les droits
le testament, les instructions post mortem, la pseudo-fondation Antonio Saura de Cuenca (Espagne)

1. La pseudo-Fondation Antonio Saura de Cuenca (Espagne), créée contre la volonté d’Antonio Saura.

Dans son testament, établi le 29 mai 1995 et revisé le 5 juin 1997, soit au moment d’apprendre l’existence d’un cancer du sang qui devait l’emporter un an plus tard, l’artiste a disposé d’une règle de partage entre ses deux héritières, ainsi que de divers legs en faveur de personnes et d’institutions muséales.

Dans les instructions post mortem données par Antonio Saura à son ami et exécuteur testamentaire Olivier Weber-Caflisch, l'artiste a confié à ses héritières le soin de conserver ses archives et autres documents de travail. S'agissant d'une fondation alors en voie de création qui porterait son nom, Antonio Saura a précisé :
« La fondation :
La plupart des engagements souscrits en 1995, ainsi que les promesses faites ultérieurement n’ont pas été tenus à ce jour. Mes appels de février et de juin sont restés sans réponses. Les défaillances des personnes et des administrations concernées n’ont pas permis à ce projet de se réaliser. Sa pérennité tant financière qu’humaine n’est pas assurée et ne le sera certainement pas le jour où je ne serai plus.
Je te demande expressément d’interrompre toutes démarches en cours et de mettre fin à ce projet par tous les moyens que tu jugeras utiles d’employer.
Aucune fondation ou institution analogue ne saurait être créée ou porter mon nom sans l’accord préalable et unanime de Mercedes, Marina et toi. »

Au lendemain du décès d’Antonio Saura, son exécuteur testamentaire a dû constater qu’aucune des conditions fixées par l’artiste pour que se réalise le projet d’une fondation n’étaient remplies.

En conséquence de quoi, l’exécuteur testamentaire a demandé aux membres du conseil de la fondation en voie de création de mettre fin au processus de création de ladite fondation.

En exécution de la volonté de l’artiste, plusieurs membres du conseil de la fondation en voie de création ont ainsi démissionné spontanément, à savoir : Juan Manuel Bonet, alors Directeur du Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, le Professeur Valeriano Bozal, Tomàs Llorens, alors Directeur et Conservateur du Musée Thyssen-Bornemisza, Mercedes Beldarraín, veuve de l’artiste, et Marina Saura, fille de l’artiste.

Cependant d’autres membres de ce conseil requirent et obtinrent l’inscription de cette pseudo-fondation auprès du registre local des fondations, en dépit du fait que les conditions légales de cette inscription n’étaient toujours pas remplies et qu’elle avait été refusée plusieurs fois du vivant de l’artiste.

Les héritières et l’exécuteur testamentaire ont alors dû s’opposer judiciairement à cette inscription en initiant une procédure administrative demandant la radiation de la pseudo-fondation.

Un premier jugement du tribunal administratif de la région de Castilla-La Mancha (voir : Jugement de la Sala de lo Contencioso administrativo du 7 mai 2003), puis un second du Tribunal Suprême de Madrid sur appel du premier (voir : Jugement du Tribunal Suprême du 22 novembre 2005) ont toutefois confirmé la validité formelle de cette inscription.

Le Tribunal suprême espagnol n’a pas examiné, il a simplement écarté, comme nulles et non avenues, les instructions post mortem remises par Antonio Saura à son exécuteur testamentaire, comme il a également refusé d’examiner l’authenticité desdites instructions post mortem pourtant contestées par la pseudo-fondation.

Le Tribunal suprême espagnol s’est strictement limité à considérer les conditions formelles de l’inscription de la fondation au Registre des fondations, sans entrer en matière sur la volonté clairement exprimée par Antonio Saura de mettre fin au processus de création de cette fondation, au motif formel et excessivement formaliste en vertu duquel l’artiste n’a pas utilisé les mêmes formes scripturales dans l’établissement de ses instructions post mortem que celles utilisées en 1995 dans le protocole de constitution visant la création d’une fondation qui porterait son nom.

C’est là un déni de justice qui consacre une imposture.

Jamais lesdites instances judiciaires n’ont examiné la question de fond qui consiste à savoir si une fondation peut être créée et exister contre la volonté de celui dont elle prétend défendre les intérêts, contre celle de ses héritières et celle de son exécuteur testamentaire.

La plus haute autorité de jugement espagnole a de plus ignoré, en dépit de l’aveu même de ses animateurs, que la pseudo « Fundación Antonio Saura » n’a jamais répondu aux conditions légales qui permettaient son inscription.

 
2. L’authenticité des instructions post mortem confirmée par jugement du 22 novembre 2006

À la suite du décès de l’artiste, la pseudo-fondation a réclamé à la succession d’Antonio Saura la dévolution d’un ensemble d’œuvres sur papier (au nombre de 218, constituant la série intitulée Nulla dies sine linea).

L’exécuteur testamentaire a refusé de remettre ces œuvres à la pseudo-fondation, constatant qu’au moment du décès d’Antonio Saura, la pseudo-fondation n’était pas encore constituée et qu’elle ne répondait à aucune des conditions fixées clairement par l’artiste à l’occasion de la conclusion du protocole visant la constitution d’une fondation ni aux instructions post mortem données à son exécuteur testamentaire.

En date du 23 septembre 1999, une plainte pénale a été déposée par les animateurs de la pseudo-fondation, assistée par les autorités exécutives de Castilla-La Mancha (la Junta de CLM), la mairie et la « Diputación » de Cuenca, tous membres du conseil de la pseudo-fondation.

Une procédure pénale (Diligencias previas proc. 5224 / 1999) a, en conséquence, été instruite contre Mercedes Beldarraín, veuve d’Antonio Saura, contre Marina Saura, sa fille, et contre Olivier Weber-Caflisch, exécuteur testamentaire de l’artiste.

Ces personnes ont été inculpées pour le crime d’« apropiación indebida » (appropriation illicite).

La pseudo-fondation et ses acolytes ont alors prétendu que les instructions post mortem de l’artiste étaient inauthentiques.

C’était l’unique moyen, fût-il criminel, de porter atteinte au crédit et à la réputation des héritières et de l’exécuteur testamentaire, d’anéantir la validité des instructions post-mortem de l’artiste et de faire valoir la dévolution de l’ensemble des œuvres intitulé Nulla dies sine linea.

En date du 22 novembre 2006, soit après huit années d’instruction pénale, le Juge d’instruction n° 10 de Madrid a validé le Rapport et les Conclusions de l’expertise établie par la Police scientifique de Madrid (Asunto : M – 11987 – D – 2006 du 16 novembre 2006) qui a confirmé l’authenticité des instructions post mortem d’Antonio Saura (voir : Informe pericial sobre firmas du 16 novembre 2006).

 
3. La décision de classement de la procédure pénale

En date du 15 décembre 2006, le Juge d’instruction n° 10 de Madrid a, en conséquence, décidé du classement de ladite procédure pénale (voir : Jugement
n° 42500 du 15 décembre 2006
).

La pseudo-fondation et ses acolytes ont alors recouru en cassation contre cette décision qui a cependant été confirmée en appel par un Jugement du 28 décembre 2007 rendu par l’Audiencia Provincial de Madrid.

Cette décision définitive et sans appel, fait voler en éclats le Jugement du Tribunal suprême espagnol. Elle consacre l’authenticité et, par voie de conséquence, la validité des instructions post mortem données par Antonio Saura à son exécuteur testamentaire (voir : Jugement du 28 décembre 2007, Sección 7, Rollo : 187/2007, Auto
n° 1180/07
).

Les animateurs de la  pseudo-fondation et leurs acolytes ont ainsi perdu le seul instrument de menace et de contrainte, dont  ils n’ont cessé d’user contre les héritières et l’exécuteur testamentaire. Le chantage tenait en ces termes : abandon des poursuites pénales contre remise d’un nombre significatif d’œuvres d’Antonio Saura (voir : Correspondance échangée entre la Ministre de la culture de CLM et la succession Antonio Saura).

Dans l’ordre normal des choses, soit dès et à partir de l’entrée en force de cette décision, il appartient à la pseudo-fondation et à ses acolytes d’admettre enfin qu’Antonio Saura a valablement renoncé au projet de créer une fondation qui porterait son nom à Cuenca, et de dissoudre la pseudo-fondation.

Les animateurs de la pseudo-fondation et leurs acolytes ont cependant décidé d’ignorer cette décision de justice et de poursuivre leurs activités en assumant désormais d’être tenus pour des imposteurs.

 
4. La procédure administrative sur le conflit de compétences des autorités fiscales en matière successorale entre la Junta de Comunidades de Castilla-La Mancha (l’exécutif de CLM) et l’Etat espagnol.

Conformément au testament d’Antonio Saura et en conformité avec les lois fiscales applicables en la matière, l’exécuteur testamentaire a déposé la Déclaration générale de succession par devant les Autorités fiscales de l’Etat espagnol (Agencia Tributaria).

Antonio Saura avait, en effet, envisagé la possibilité qu’il soit permis à ses héritières de régler tout ou partie des impôts successoraux par le moyen de la dation. Ainsi, le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia (MNCARS), musée de l’Etat, était-il naturellement destiné à recevoir la dation envisagée.

Les autorités exécutives de Castilla-La Mancha, alors dirigée par José Bono, contestèrent la compétence de l’Etat à recevoir la Déclaration générale de succession, respectivement le paiement des impôts successoraux et entamèrent une procédure administrative contre la succession d’Antonio Saura et contre l’Etat par devant la Junta Arbitral, organe compétent pour juger des conflits de compétence entre les communautés et l’Etat (Procédure : CONFLICTO n° 5/2000).

Au cours de cette procédure, les services de José Bono tentèrent d’accréditer, par le moyen de faux témoignages, qu’Antonio Saura était domicilié à Cuenca alors qu’il était notoire qu’il était régulièrement domicilié et résident à Paris depuis mars 1967 !

Par jugement du 2 février 2001, la Junta Arbitral a cependant débouté CLM de toutes ses conclusions (voir : Jugement du 2 février 2001).

Cette décision a enfin permis de débloquer le règlement de la succession qui était paralysé depuis deux ans et de procéder au paiement des impôts, respectivement à la dation au MNCARS de soixante et une œuvres majeures de l’artiste.

 
5. Les certificats d’authenticité fallacieux émis par la pseudo-fondation

En usurpant une autorité qu’aucun droit ne lui confère, la pseudo-fondation a établi des certificats d’authenticité fallacieux.
Ces soit disant certificats ont attesté l’authenticité d’œuvres qui n’étaient pas de la main de Saura, de même qu’ils ont attribué le statut d’œuvres à des pièces qui n’étaient que des fragments d’une œuvre composée par l’artiste. Ces faux certificats ont pour effet de donner une pseudo-légitimité à la mutilation dont certaines œuvres de Saura ont été l’objet, portant ainsi atteinte au droit à l’intégrité de l’œuvre.
La pseudo-fondation a également attribué de faux certificats à des œuvres inachevées, en violation du droit de divulgation.
La succession Saura a requis et obtenu le séquestre des œuvres présentées sur le marché accompagnées des faux certificats établis par la pseudo-fondation.
Ces agissements sont commis par des personnes ignorantes de l’œuvre de l’artiste, incompétentes et sans scrupules. Ils portent gravement atteinte non seulement à l’œuvre, mais également au nom et à l’image d’Antonio Saura.

 
6. La pseudo-fondation viole les droits d’auteur

À réitérées reprises, la pseudo-fondation a publié des images d’Antonio Saura et d’autres artistes sans jamais solliciter préalablement d’autorisation auprès des auteurs ou de leurs ayants droit comme la loi l’y oblige.

Agissant au nom et pour le compte de l’ensemble des auteurs spoliés dans leur droits, VEGAP, en sa qualité d’agent, a entamé contre la pseudo fondation une procédure civile qui a conduit à la conclusion d’une convention, conclue le 28 janvier 2008, à teneur de laquelle la pseudo-fondation reconnaît avoir violé les droits des auteurs dont les œuvres ont été reproduites illicitement et s’engage à retirer les ouvrages litigieux ainsi qu’à payer une amende condamnatoire (voir : Convention du 28 janvier 2008).

 
7. Les faits et méfaits d’Antonio Pérez, membre fondateur et « directeur artistique » de la pseudo-fondation

Sous l’égide de la fondation qui porte son nom, Antonio Pérez a publié en 2007 un ouvrage consacré à sa propre personne intitulé « Antonio Pérez » et accompagné d’un texte d’Antonio Saura intitulé « Le musée d’en face », lequel est reproduit dans son intégralité sans qu’aucune autorisation préalable n’ait jamais été sollicitée auprès de la succession Antonio Saura, seule détentrice des droits d’auteur de l’artiste.
L’ouvrage a été financé par la Junta de CLM ainsi que par la Diputación et l’Ayuntamiento de Cuenca.

Une procédure a été introduite par la succession Antonio Saura contre La Fábrica, son éditeur, par devant le Juzgado mercantil n° 5 de Madrid, qui a conduit à un premier jugement rendu le 24 juin 2009, qui condamne l’éditeur à retirer l’ouvrage du marché, etc. Le tribunal souligne la mauvaise foi d’Antonio Pérez et de son éditeur (voir : Sentencia n° 97/09 du Juzgado mercantil de Madrid n° 5 du 24 juin 2009)
Antonio Pérez et son éditeur ont recouru contre ce jugement.

Dans le cadre du même litige, mais sur mesures provisoires, Antonio Pérez et son éditeur ont une nouvelle fois été condamnés selon jugement du 16 décembre 2009 (voir : Sentencia n° 3145K du Juzgado mercantil de Madrid n° 5 du 16 décembre 2009).

 
8. L’appel du 12 avril 2006

En avril 2006, d’éminentes personnalités du monde de la culture se sont publiquement émues de ce que les volontés d’Antonio Saura n’étaient pas respectées par les diverses autorités politiques de CLM lesquelles soutenaient et soutiennent la pseudo-fondation.
Aussi, lancèrent-elles un appel publié par voie de presse qui a reçu et continue à recevoir du monde entier, plusieurs centaines d’adhésions au nombre desquelles on compte des artistes, des écrivains, des gens des métiers de l’art, du monde académique, de celui des musées et d’autres qui souvent expriment leur indignation devant l’imposture dont la pseudo-fondation et les diverses autorités politiques de CLM sont les auteurs (voir : Appel du 12 avril 2006).

 
9. Quel est l’avenir de la pseudo-fondation ?

Malgré les contraintes de tous ordres qu’impliquent les procès multiples et les difficultés qui en résultent, la pseudo-fondation et ses acolytes n’ont pas réussi à obtenir de la succession d’Antonio Saura qu’elle se désiste des procédures en cours et qu’elle cesse de s’opposer à l’usurpation du nom de l’artiste.

Depuis que la Police scientifique de Madrid, puis la Cour de cassation (Audiencia Provincial) de Madrid ont confirmé l’authenticité des instructions post mortem confiées par Antonio Saura à son exécuteur testamentaire, la pseudo-fondation est irrémédiablement dépourvue de toute légitimité.

Si son inscription au Registre des fondations de CLM a été confirmée par le Tribunal suprême espagnol, cela ne veut pas dire qu’elle existe de par la volonté d’Antonio Saura.  Ce sont les autorités politiques de CLM qui ont précipité l’inscription de la pseudo-fondation à la suite du décès de l’artiste, alors qu’elles connaissaient la position contraire d’Antonio Saura telle qu’elle ressort clairement de ses dernières volontés.

L’appropriation du nom et de l’image d’un artiste devenu célèbre à des fins douteuses et mercantiles est chose courante. Cependant ce qui l’est moins, c’est que les autorités de droit public participent activement à des actes contraires aux lois et soutiennent des personnes et des institutions qui les violent.

Dans un Etat de droit, il appartiendrait aux autorités de Castilla-La Mancha de réenvisager le bien-fondé du soutien juridique et financier qu’elles apportent à la pseudo-fondation aux frais du contribuable, compte tenu de l’échec de toutes leurs initiatives procédurales.

Qui peut en effet envisager qu’une fondation survive, sans œuvres de l’artiste, sans ses archives, sans documentation photographique et iconographique, sans personnes compétentes qui connaissent les multiples aspects de son œuvre, sans moyens aucuns pour acquérir des œuvres, pour effectuer des recherches, pour publier, pour exposer et surtout, sans droits d’auteur et droits voisins, sans droits de divulgation, sans droit d’utiliser ne fût-ce qu’une seule image de l’artiste ?
Que fera la pseudo-fondation sans l’autorité morale qu’ont dû lui refuser les héritières et l’exécuteur testamentaire, ainsi que de nombreuses personnalités du monde de la culture et des arts ?

Si les autorités politiques de Castilla-La Mancha sont incapables d’appliquer la loi, c'est-à-dire de radier l’inscription d’une fondation qui use et abuse du nom et de l’image d’Antonio Saura, cette pseudo-fondation subsistera aux frais de la collectivité probablement quelque temps encore avant de disparaître dans l’indifférence générale, sans autre soutien que celui de quelques magistrats prévaricateurs.

Tant que persistera l’inscription de la pseudo-fondation, ni la succession Saura ni la Fondation Archives Antonio Saura ne peuvent envisager de collaborer avec les personnes qui se sont fourvoyées dans un projet sans légitimité et sans avenir.

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